mardi 25 juillet 2017

1901 : Alcool moteur, on connaissait déjà tout sur ce carburant


Mémoire publié dans la Revue de mécanique le 31/07/1901


Histoire de l'E85 / Superéthanol du XIXe siècle à nos jours


 Avant de lire ce mémoire, juste un aperçu des technologies multi-carburations en 1900

1901 - Usine Longuemare de fabrication de carburateurs Alcool/Essence 1802

Longuemare, premier constructeur de "kits" (Maison spécialisée dans le production de carburateurs à alcool)

En admettant que le numéro du carburateur acheté pour un moteur ait été bien choisi — ce qui implique toutefois de la part du constructeur de ce moteur un calcul exact de l'entrée des gaz, ou tout au moins l'oblige à remplir consciencieusement les feuilles de renseignements dressées en fin des catalogues de la maison Longuemare — celle-ci livrera le dit carburateur tout réglé, prêt à être monté et mis en fonctionnement sans nouveau réglage possible. C'est là un point précieux car, si quelque irrégularité vient à se produire à l'usage, une visite rapide pour se rendre compte de l'état des différentes pièces suffit à y remédier. Aucun nouveau réglage à rechercher, c'est presque certainement une impureté qui encrasse.
Frères Longuemare  (Le Chauffeur 1901)


Le Mémoire qui résume tout (1901)


Nous avons vraiment une mémoire de poisson-rouge. l'alcool moteur est apparu vers 1896 (ce texte fait référence à cette année), cela fait 121 ans.

Depuis, aucun de ces constats d'ingénieur n'a changé. Ils sont juste devenus un peu plus précis et adaptés aux carburants disponibles sur le marché aujourd'hui.

Attention, 💣 on parle d'alcool E90 hydraté avec un dénaturant laissant des dépôts de combustion, mélangé le plus souvent à du benzol ou de l'essence de pétrole qui avait à l"époque un taux d'octane d'environ 60.

Consommation (+25%), avantage d'utiliser de l'alcool hydraté (environ 4% à 6% d'eau comme au Brésil de nos jours), dépôts sur les soupapes d'admission, aspiration d'air réchauffé, lubrification, corrosion, douceur et élasticité, formation de polluants et d'acides, notamment lors des démarrages à froid, dépôts de goudrons et de carbone à l'alcool carburé. Tout était déjà connu et mesuré.

On retrouve tous les thèmes et les risques évoqués sur les forums depuis 1998 aux USA et 2007 en France. En 1901, les risques étaient avérés, et les solutions techniques ont été mises en oeuvre pour les faire disparaître.
Dorénavant, ces risques ne sont que des mythes de mécaniciens. La pollution à froid reste un problème même si des solutions existent, notamment avec des catalyseurs spéciaux isolés de matériaux permettant une montée en température plus rapide.



MOTEURS A ALCOOL

(Bulletin de la Société des Ingénieurs civils de France, août 1901).

Mémoire de M. Périssé


S'il est exact de dire que théoriquement la consommation d'alcool à puissance égalé est 1,8 fois plus grande que la consommation d'essence, les expériences ont montré qu'il n'en était pas du tout de même dans la pratique.

Les essais faits sous la direction de M. Loreau notamment, ont confirmé que la présence de l'eau, loin d'être une cause d'infériorité, a pour résultat d'augmenter l'élasticité, et par suite le rendement du moteur.

Et ce qui concerne la proportionnalité de consommation, il ressort, des chiffres moyens obtenus, que la consommation de l'alcool pur n'est, à puissance égale, que 1,25 fois plus grande que l'essence.
Pour faire rendre à l'alcool tout ce qu'il peut rendre, il faut deux conditions primordiales :
  1. envoyer dans le moteur un mélange explosif de composition, d'homogénéité convenables, et de température appropriée, d'où la nécessité d'un carburateur spécialement étudié pour l'alcool ;
  2. utiliser un moteur dont les dimensions sont favorables au mélange explosif employé.

C'est cette harmonie de proportions et de dimensions qui fait que les essais sont bons ou mauvais.
Le carburateur doit, pour produire une utilisation convenable de la puissance calorifique de l'alcool, remplir les conditions suivantes :
  1. Vaporisation complète préalable de l'alcool pour empêcher toute particule liquide d'être introduite dans le moteur ;
  2. Dilution de la vapeur d'alcool dans une quantité d'air convenable, plus considérable que lorsqu'on emploie l'essence ;
  3. Brassage intime de la vapeur d'alcool et de l'air, pour produire un mélange explosif bien homogène.

C'est pourquoi nous avons vu les inventeurs, qui se sont occupés sérieusement de ces études, produire un réchauffement intensif au moyen de l'échappement, ou encore au moyen des chaleurs perdues du brûleur d'allumage, quand ce mode d'inflammation est employé.

Mais bientôt une autre difficulté a surgi : 
  • si on envoie un mélange trop chaud, les conditions de compression se trouvent modifiées, et nous verrons qu'il est indispensable d'avoir une forte compression avec l'alcool ;
  • de plus, la lubrification ne se fait plus, et il peut même y avoir des phénomènes de dissociation qui diminuent d'autant le rendement.


Par conséquent, il faut prendre des dispositifs tels que le mélange carburé arrive au moteur à une température voisine de 100°, pour avoir une marge suffisante entre la température d'évaporation du liquide moteur (qu'il faut éviter de condenser après l'avoir évaporé) et la température de dissociation. 

Le moteur doit présenter deux caractéristiques principales :
  • course longue
  • et compression forte.
Les meilleurs résultats économiques ont été obtenus, dans les moteurs qui, par leur conception même en général, ont une course allongée.

Dans le moteur Gobron-Brillié, comme dans le moteur Bardon, les deux pistons se meuvent dans un même cylindre, vertical dans le premier, horizontal dans le second, l'explosion se faisant au centre, de façon à chasser les pistons à l'opposé l'un de l'autre.
Les dimensions de ces moteurs montrent que le rapport de la course à l'alésage varie de 1,75 à 2,2, et ces moteurs ont montré nettement, à plusieurs reprisés, que leur rendement à l'alcool pur était supérieur au rendement des autres systèmes.

Parmi ces phénomènes annexes, il y a lieu de mentionner la lubrification qui est toute différente avec l'alcool qu'avec l'essence ; l'alcool, ses dénaturants et ses carburants sont tous des corps dissolvants et ils arrivent à sécher complètement les parties métalliques sur lesquelles ils passent ; c'est pourquoi les mécaniciens ne manquent pas de vous faire observer, quand on démonte un moteur, que l'alcool « dessèche » les soupapes.

Une question également importante, qui a fait l'objet d'études spéciales de la part de M. Pétréano, est celle de la dissociation de l'eau à l'état libre dans les moteurs à explosion ; cet auteur a indiqué que l'eau introduite dans le cylindre, au lieu de se vaporiser simplement, se dissociait fréquemment et mettait ainsi en liberté  'oxygène naissant, qui est un corrosif puissant. Il trouve le remède dans l'emploi d'un mélange explosif bien homogène.

Nos expériences ont confirmé cette indication, et chaque fois que dans un moteur à alcool, nous avons constaté que de la poussière rouge adhérente et d'une couleur particulière se constatait à la culasse et aux soupapes d'échappement, nous avons, relevé que le carburateur était d'un système ne brassant pas les gaz, ou bien que sa distance à la soupape d'admission était trop faible et ne laissait pas le temps au mélange de se parfaire dans le conduit d'aspiration ; au contraire, nous n'avons pas ou peu observé la poudre rougeâtre quand les précautions étaient prises pour que le mélange soit aussi parfait que possible comme, par exemple, dans les moteurs à remisage.

Les diagrammes de moteurs à alcool montrent que l'inflammation de l'alcool est plus lente que celle de l'essence ; on n'a donc pas les diagrammes pointus à la partie supérieure qu'on constate avec ces derniers, et que l'on a recherchés depuis quelques années, comme assurant une combustion très rapide qui permet une détente plus longue et, par suite, abaisse la consommation.

Malheureusement, on a poussé trop loin ces conditions de fonctionnement et l'on a reconnu que les chocs violents et répétés produisaient des usures rapides.

On peut donc dire que les diagrammes allongés mais sans choc violent à l'explosion qu'on obtient à l'alcool donnent, sur les diagrammes pointus de l'essence, un réel avantage pour la bonne conservation du moteur, parce que le choc sur la tête de bielle est atténué quand la courbe est arrondie entre l'explosion .et la détente, grâce à un peu de retard à l'allumage.

Les effets de douceur et d'élasticité constatés, qui sont corroborés par l'examen des diagrammes, sont le résultat de causes multiples dont la principale en tous cas est la détente de la vapeur d'eau en quantité assez considérable au moment de l'explosion. Les diagrammes comparatifs que nous avons donnés nous apprennent différentes choses :

  1. Il y a des progrès en 1899 sur 1896 et progrès de 1900 sur 1899 : par conséquent, il sera facile d'améliorer encore les diagrammes et le rendement utile du moteur ;
  2. Les compressions peuvent être sans inconvénient de 6 à 8 kilog. et les pressions d'explosion atteignent 12 à 15 kilog. et dans les derniers types 20 kilog. ;
  3. la détente se fait très régulièrement et la courbe s'abaisse en montrant que la combustion est très complète ;
  4. Les surfaces des diagrammes comparatifs sont assez sensiblement les mêmes, les ordonnées moyennes sont même, dans les essais d'alcool carburé, un peu plus grandes avec l'alcool qu'avec l'essence.

L'alcool carburé à 50 p. 100 donne une facilité d'emploi aussi grande que l'essence, mais nécessite cependant des dispositifs spéciaux de carburateurs, car les inconvénients de la combustion incomplète se font sentir avec l'alcool carburé autant, sinon plus, qu'avec l'alcool pur.

En effet, la combustion incomplète des 50 p. 100 d'alcool donne les inconvénients de corrosion dus à la formation d’aldéhydes, d'acides acétiques, etc.,la combustion incomplète des 50 p. 100 de benzine, qui est employée à la carburation donnerait des dépôts de carbone, de goudron, et il est un fait reconnu par tous que l'alcool carburé a tendance à donner de l'encrassement là où l'alcool pur n'en donne aucun. 

L'alcool carburé est donc une solution d'attente, et ce serait déjà un résultat bien remarquable si l'on substituait à l'essence ce combustible qui contient 75 ou 50 p. 100 d'alcool. Les expériences faites ont montré, qu'avec des appareils s'adaptant bien à l'alcool, le liquide carburé à 50 p. 100 donnait, à consommation égale, une puissance, à très peu de chose près, égalé à la puissance qu'on obtient avec de l'essence.




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