vendredi 3 novembre 2017

Les 7 caractéristiques de l'alcool moteur

La recherche d'un carburant national a toujours été une priorité de la France depuis le début du 20ème siècle pour des raisons d'indépendance vis à vis des pays producteurs d'essence de pétrole.
On est passé par le benzol, le méthanol, l'alcool moteur, ETBE à diverses proportions plus ou moins imposées (entre 7% et 50%). Ce n'est pas une nouveauté.
Le fait que cette politique typiquement française depuis 12 ans soutienne l'agriculture est le petit bonus qui arrange tout le monde.
L'incorporation obligatoire d'alcool a été bien plus importante qu'aujourd'hui entre les 2 guerres.

De nos jours, on nous laisse la liberté de choisir entre :




  • du SP98 composé à 85% d'essence de pétrole et 15% d'ETBE (50% alcool 50% isobutène)
  • du SP95 composé à 96% d'essence et 4% d'alcool
  • du SP95-E10 composé à 93% d'essence et 7% d'alcool
  • de l'E85 composé de 15 à 35% d'essence et 65 à 85% d'alc


Bien que les moteurs à essence n'aient pas été étudiés pour un fonctionnement à l'alcool, il est possible, sous certaines conditions, d'utiliser l'éthanol comme carburant.

  • A de faibles proportions en mélange (de 7% à 10% avec l'essence), l'éthanol autorise un fonctionnement correct du moteur, avec un rendement pratiquement inchangé.
  • A de plus fortes proportions, il convient de modifier les moteurs : système d'alimentation en carburant, réchauffage des organes d'alimentation et lubrification adéquate.
  • L'usage exclusif de l'éthanol dans les moteurs à allumage commandé (type essence) requiert l'étude et la construction d'un moteur spécifique pour bénéficier du surplus de rendement possible avec l'alcool moteur.
  • L'utilisation de l'éthanol dans les moteurs actuels et/ou dans les moteurs futurs est plus un problème économique qu'un problème technique désormais pratiquement résolu.

Parmi les quatre alcools (méthanol, éthanol, propanol et butanol), seul l'éthanol retient aujourd'hui l'attention car sa principale source d'obtention est la biomasse (bien que le méthanol puisse être aussi utilisé comme carburant).
L'éthanol, communément appelé alcool éthylique, est obtenu par là fermentation des sucres, de l'amidon des grains ou de la fécule des tubercules, de la cellulose, ou même de résidus comme la mélasse ou les bagasses. L'éthanol peut aussi être obtenu par synthèse de l'éthylène, après une distillation préalable des goudrons de houille.

L'utilisation de l'éthanol n'est pas au stade expérimental pour les moteurs à allumage commandé comme on peut le constater avec ce rapide historique :

  • Avant la guerre de 1914-1918, les autobus parisiens. utilisaient un mélange binaire composé de 50% d'éthanol et de 50% de benzol (le benzol est un mélange de benzène, de toluène et de xylène, issus de la distillation des goudrons de houille) ;
  • Tout de suite après la guerre, le Service des Poudres, ayant un stock d'alcool inutilisé, le gouvernement a préconisé comme carburant un mélange d'alcool et d'éther, la natalite ;
  • Entre les deux guerres, il a existé un « carburant poids lourds », binaire lui aussi, composé d'essence et d'alcool, carburant qui présentait malheureusement l'inconvénient de se séparer en deux phases - la démixion - en cas d'hydratation intempestive de l'alcool ;
  • L'arrêté ministériel du 25 juillet 1933 autorisait pour « l'essence tourisme » une proportion d'alcool comprise entre 11 et 15%, 15% étant la limite pour les supercarburants de l'époque. Il était en outre précisé, dans cet arrêté, que l'alcool devait être rectifié au moins à 99,5% (l'alcool «pur» vendu dans les pharmacies n'est rectifié qu'à 96%). Cette rectification poussée étant justifiée par le souci d'éviter la démixion évoquée plus haut.
  • Le « supercarburant », quant à lui, était un mélange ternaire constitué de 70% d'essence, de 15% d'alcool et de 15% de benzol.
  • Pendant la guerre de 39-45, beaucoup de moteurs ont fonctionné soit avec de l'alcool hydraté, soit en mélange avec l'essence. La consommation d'alcool a représenté, durant cette période, un tiers de la consommation totale de carburant.
  • Après la guerre, l'arrêté du 16 août 1950 imposait aux Pétroliers une incorporation de 10% d'alcool dans leur carburant. mais à l'issue d'essais portant sur plusieurs milliers de véhicules, il est apparu que cette proportion était trop élevée, car elle aurait entraîné des modifications dans l'architecture des moteurs. et que 7% étaient une limite raisonnable pour les moteurs existants.
  • Le décret du 4 octobre 1983 a autorisé l'incorporation dans les supercarburants de l'éthanol à un taux inférieur à 7%, « éthanol absolu» qui requiert néanmoins l'addition d'un co-solvant (alcool tertiobutylique).

Aujourd'hui, l'injection (directe ou indirecte) a remplacé les carburateurs et les calculateurs des moteurs adaptent la combustion à des taux d'alcool moteur compris entre 0% et 100%.

Caractéristiques comparées essence/éthanol


1, - La température d'auto-inflammation

C'est la température à laquelle le mélange air/carburant s'enflamme spontanément.

Pour l'essence, cette température, 380° C, étant supérieure à celle provoquée par la seule compression adiabatique du mélange dans le cylindre, l'étincelle de la bougie s'avère nécessaire pour provoquer la combustion. La température d'auto-inflammation du mélange air/éthanol étant encore plus élevée, 460° C, on conçoit immédiatement que la combustion de l'éthanol demandera une "ambiance" encore plus chaude (bougies chaudes en particulier).

2. - La volatilité

La volatilité représente, en quelque sorte, la proportion de carburant vaporisable à une température donnée.

La comparaison des courbes de volatilité de l'essence et de l'alcool fait apparaître qu'aux faibles températures, l'alcool se vaporise moins bien que l'essence, donc que les démarrages à froid seront plus difficiles, mais que l'éthanol, mélangé à l'essence à hauteur de 10%, abaisse la température de volatilité du mélange dans la gamme des températures normales de fonctionnement du moteur, rendant plus aisées les reprises et plus agréables les accélérations.

3. - La tension de vapeur

La tension de vapeur représente, en quelque sorte, la facilité d'évaporation de la fraction la plus volatile du carburant.

Plus la tension de vapeur est élevée, plus cette fraction de carburant s'évapore facilement.
Or l'éthanol présente une tension de vapeur 4 fois plus faible que celle de l'essence, ce qui aggrave nettement son cas dans les processus de démarrage à froid.

4. - La chaleur de vaporisation

C'est le nombre de calories nécessaires pour évaporer un gramme de carburant.

Plus la chaleur de vaporisation est élevée, plus il faut chauffer le carburant, dans le carburateur/injecteur et les tubulures d'admission du moteur, avant son introduction dans les cylindres, pour assurer sa complète vaporisation.
Or l'éthanol a une chaleur de vaporisation 8 fois supérieure à celle de l'essence, impliquant ipso. facto, pour un bon fonctionnement, une ambiance thermique adéquate.
Les pays chauds, comme le Brésil, sont à cet égard, particulièrement favorisés : meilleur remplissage des cylindres.

5. - La densité

L'éthanol est légèrement plus dense que l'essence et cela suffit pour induire des irrégularités dans le fonctionnement du moteur les mini-gouttelettes, incomplètement vaporisées dans les tubulures d'admission, plus denses que celles de l'essence, ayant plus de difficultés à se répartir équitablement entre les différents cylindres.

6. - Le pouvoir calorifique

Quantité de chaleur dégagée par l'oxydation complète de 1 kg de carburant. n'est que de 7000 kcal pour l'éthanol, comparativement aux 11200 kcal de l'essence.

Il faudrait donc, pour obtenir la même puissance théorique, substituer à 1 litre d'essence environ 1,4 litre d'éthanol.
Substitution qui fait immédiatement penser aux modifications a, apporter au moteur, pour obtenir la même puissance. et au réservoir pour garantir la même autonomie.

7. - La résistance à la détonation

Sans entrer dans le détail du processus de la combustion de l'essence, rappelons brièvement que les moteurs modernes, a taux de compression élevé, pour améliorer leur rendement, travaillent en permanence à la « limite du cliquetis », phénomène de détonation du carburant, par suite de la décomposition brutale de péroxydes formés au contact des points chauds de la culasse et de la bougie d'allumage.
Pour repousser ce phénomène, on augmente l'indice d'octane essence, par un raffinage plus poussé, mais aussi et surtout par l'incorporation d'antidétonants, comme le plomb tétraéthyle, interdit aujourd'hui dans la majorité des pays car responsable, avec les imbrûlés, des pollutions que l'on sait.
Or, l'éthanol présente un indice d'octane plus élevé que les carburants usuels (indice recherche 135).
Indice d'octane
L'essence ordinaire étant à 92 d'octane, le super à 98. L'addition d'éthanol à l'essence a permis d'éliminer le plomb tétraéthyle des carburants.

L'examen de ces 7 caractéristiques comparées nous montre que l'éthanol employé en mélange avec l'essence de prétrole dans les moteurs à essence actuels, n'est favorable que dans 2 cas :

  • Une facilité des reprises et des accélérations en marche normale, moteur chaud ;
  • Une capacité d'augmenter l'indice d'octane.


Par contre, les inconvénients sont plus nombreux et plus difficiles à maîtriser, sauf par des dispositions spéciales.




  • Démarrages plus difficiles par temps froid ;
  • des irrégularités de fonctionnement, auxquelles il faut ajouter des risques de « tampon de vapeur » dans les tubulures lorsque la pression atmosphérique est faible (montagne) ;
  • Notons aussi que si les émissions de monoxyde de carbone et d'hydrocarbures imbrûlés sont pratiquement inchangées ou en légère baisse, les émissions d'aldéhydes sont plus importantes. Or, les aldéhydes, oxydés, produisent des acides !
  • La lubrification ne pose pas de problème jusqu'à des taux d'incorporation de 15%. Au-delà des précautions doivent être prises au niveau des points de graissage et de l'adéquation des huiles.
  • La tenue des matériaux doit aussi être prise en compte, l'éthanol attaquant les matériaux non ferreux, tels que les alliages zinc-aluminium du carburateur et les élastomères des canalisations modernes.
  • Le pouvoir calorifique plus faible conduit à des modifications du carburateur/injecteur et des injecteurs ainsi qu'un éventuel surdimensionnement du réservoir
  • Notons enfin le phénomène de démixion dont la solution réside dans une stabilisation par des co-solvants, tels que le TBA (Tertio Butyl Alcool) qui provient de la filière pétrole, et que la démixion intéresse aussi le stockage aussi bien en raffinerie que chez les pompistes (nécessité de cuves étanches à l'air humide).

(.../... à suivre)

Référence : Comptes rendus de l'Académie d'agriculture de France 1987

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