dimanche 21 janvier 2018

1934 : Le carburant à base d'alcool et éther (Afrique du Sud / Natalite)

Le carburant à base d'alcool


Cet article de 1934 dans un journal des colonies permet de clarifier quelques point qui restent encore obscurs pour les utilisateurs de l'E85 en 2018.
  • Rendement de la combustion de l'alcool dans un moteur et puissance délivrée ;
  • Difficultés de démarrage à froid avec un moteur à carburateur (moins de problèmes avec les injections indirectes modernes, et beaucoup moins avec les injections directes) ;
  • Intérêt des différents carburants mélangés à l'alcool ;


Article 



L'alcool seul est déjà un carburant fort intéressant, mais il est la base de produits dérivés qui, mélangés avec lui, donnent des combustibles liquides, lesquels, ainsi que l'ont prouvé de nombreuses expériences, sont des équivalents de l'essence. Nous mentionnerons comme principal dérivé l'éther ordinaire, dont la fabrication est excessivement simple.

En France, au cours de ces dernières années, de nombreuses études ont été faites sur l'emploi de 1' « alcool moteur ». Après que la Société des Agriculteurs de France et le Syndicat de la distillerie agricole en 1895 eurent fait toute une campagne pour aider la consommation de l'alcool comme source de puissance, le Ministère de l'Agriculture en 1901 et 1902 organisa deux, concours. Ceux-ci avaient pour but de mettre au point tout le problème du moteur à alcool et de la carburation de ce combustible.

Avant de parler des mélanges à base d'alcool qui, connus maintenant, sont à même de remplacer très avantageusement l'essence, nous donnerons quelques aperçus sur le résultat des concours de 1901 et 1902 où l'alcool éthylique seul était le carburant visé.

La conclusion la plus importante, de tous les essais entrepris, a été que le rendement thermodynamique d'un moteur marchant à l'alcool est bien supérieur à celui du même moteur au kilogramme, marchant à l'essence, aussi, quoique l'alcool ordinaire de 90° n'ait que 5.950 à 6.000 calories disponibles contre 11.500 calories pour l'essence, la consommation au cheval-heure est à peu près identique pour l'alcool et l'essence. C'est déjà un point capital. L'alcool ayant de l'oxygène dans sa molécule a besoin de moins d'air pour sa combustion que l'essence, aussi, il résulte une dépense moindre de calories pour réchauffement de cet air.

On compte qu'il faut près de 6 litres d'air par gramme d'alcool pour brûler complètement, c'est-à-dire 6 m3 par kilogramme, tandis que l'essence demande presque le double d'air, entre 11 et 12 m3. Il en résulte qu'un mètre cube de mélange explosif constitué, soit avec l'essence, soit avec l'alcool, contient presque la même quantité de calories, environ 850 calories.

En 1900 à l'Institut des Fermentations de Berlin où furent employés de l'alcool pur et de l'alcool carburé à 20 % de benzol, les conclusions ont été les suivantes :
  1. La mise en marche des moteurs à alcool n'offre aucune difficulté ;
  2. Les moteurs à alcool comparés à ceux à essence fournissent un excédent de travail d'environ 25% ;
  3. La combustion de l'alcool carburé est parfaite et les gaz d'échappement sont inodores ;
  4. L'emploi de l'alcool, soit pur, soif carburé, pour la force motrice est avantageux.

Et, à cette époque où les carburateurs et les moteurs étaient loin d'être aussi perfectionnés que de nos jours, la consommation en alcool carburé a varié de 300 à 420 grammes par cheval-heure. Cet alcool carburé était te résultat d'un mélange de 80 litres d'alcool à 90% et 20 litres de benzol. La densité était de 0,844 et le pouvoir calorifique de 6.633 calories par kilogramme, soit 5.598 calories au litre.

D'après ces chiffres en rappelant que l'équivalent mécanique de la chaleur est 427 kilogrammètres, la combustion complète de 1 kilo de cet alcool donnera :

(6.633 x 427) / (3.600 x 75) = 10,49 CV

or, on obtenait, à cette époque. 2,5 CV par kilo d'alcool, ce qui prouvait un rendement de :

(2,5 x 100) / 10,49 = 23,8%

M. Musil a donné quelques rendements thermodynamiques sur les moteurs à explosion.
  • Moteur à essence 14 à 18%
  • Moteur à pétrole 13%
  • Moteur à gaz 18 à 31%
  • Moteur à alcool 24.8%

Il y a donc une supériorité très marquée du moteur à alcool.

De ces essais, on n'a pas tardé à déduire que l'alcool permettait une compression atteignant 15 kilos par centimètre carré sans crainte d'inflammation spontanée, alors que l'essence s'enflamme instantanément, dès que la compression dépasse 4 à 5 kilos.

On a souvent eu l'occasion d'étudier les phénomènes d'auto-inflammation et il a été reconnu que, le véritable palliatif était le réglage parfait de l'avance ou du retard à l'allumage. Les bons chauffeurs, actuellement, savent comment il faut régler un moteur pour que celui-ci conserve toute sa souplesse et ne « cogne pas.»

La carburation joue évidemment un rôle encore plus important avec le carburant à base d'alcool qu'avec l'essence.

L'idéal serait de régler exactement le poids d'air et le carburant tout en assurant leur mélange intime avec une vaporisation intégrale du combustible lui-même.

Mais de nombreux calculs suivis d'essais ont démontré qu'en raison de la grande vitesse des moteurs, il était impossible d'atteindre à cette perfection, surtout parce que la vaporisation complète du. liquide ne peut être obtenue assez rapidement.

Il est connu qu'un liquide volatile ne peut exister à l'état de vapeur sous la pression atmosphérique normale qu'à condition que la tension de la vapeur dans le mélange avec l'air soit inférieure ou au plus égale à celle correspondante pour la température considérée à la tension de la vapeur saturée du liquide.

Le maintien de la température minimum du mélange explosif — afin d'éviter toute condensation, est encore rendu plus difficile — du fait qu'il faut assurer la quantité de chaleur nécessaire à la transformation du liquide en vapeurs.

Les chaleurs latentes de vaporisation de chacun des liquides susceptibles de devenir des carburants jouent un rôle considérable.

A la mise en route avec un moteur froid et sans réchauffement préalable de l'air et du liquide, on ne peut obtenir qu'une faible vaporisation de l'alcool dénaturé, le restant est simplement pulvérisé à l'état de fines gouttelettes, durant l'explosion ces particules liquides seraient plus ou moins vaporisées et brûleront partiellement en donnant des fumées charbonneuses chargées de produits acides et complexes. En somme, l'alcool dénaturé seul n'est pas un carburant intéressant du moins avec les moteurs et carburateurs actuels.

Déjà l'alcool carburé par 50% de benzine présente des avantages sérieux puisque tous calculs faits, on arrive à trouver que la température minimum initiale pour le mélange air et alcool carburé doit être près de 26°, il est déjà presque possible d'avoir une vaporisation complète aux températures moyennes d'été et d'automne en France.

On conçoit que de légères adjonctions aux moteurs courants permettraient l'emploi de l'alcool seul, ces adjonctions consisteraient surtout dans le réchauffage préalable de l'alcool et de l'air nécessaires à la carburation. Il existe d'ailleurs maintenant des carburateurs répondant à ces exigences.

L'alcool, pour donner toute satisfaction à la carburation à donc surtout besoin d'un autre produit volatile, soluble dans le mélange et permettant une vaporisation facile. C'est l'éther (oxyde d'éthyle) qui est certainement le produit le plus avantageux à ce sujet,

L'éther est surtout très indiqué pour lés colonies et les pays lointains ayant peu de facilité dé se procurer de l'essence.

L/'éther est dérivé de l'alcool, par conséquent, partout où l'on peut fabriquer de l'alcool on peut produire de l'éther et par suite, un excellent carburant.

L'éther, beaucoup plus volatile que l'alcool donne une tension de vapeur au mélange, très supérieure à celle de l'alcool seul ; la vaporisation en est d'autant favorisée.

Le carburant à base d'alcool et d'éther n'est pas nouveau. Au Sud-Afrique, il a été créé il y a une douzaine d'années, la Natalite ayant la composition suivante :
  • Alcool à 95° : 54,3% en poids
  • Éther : 45,0%
  • Ammoniaque : 0,5%
  • Arsenic : 0,2 %

L'ammoniaque sert de base neutralisante et avec l'arsenic, elle concourt à fournir des produits rendant inconsommable le carburant.

Des rapports officiels ont été publiés depuis, plusieurs années montrant que la Natalite donne des résultats aussi parfaits que l'essence en ce qui concerne la mise en marche du moteur, la puissance développée et le nombre des kilomètres parcourus avec la même quantité de carburant.

Pour faciliter le lancement du moteur par un temps vraiment froid, pour la région considérée, disons +10°, il est toujours possible d'utiliser un petit réservoir d'une capacité de 2 litres relié directement à la tuyauterie du carburateur avec un robinet d'arrêt. Ce réservoir rempli d'essence servirait uniquement au départ du moteur froid et dès que celui-ci serait chaud, on arrêterait l'admission d'essence pour utiliser uniquement le carburant éther-alcool. Ce moyen pourrait être employé au début de la mise en service du carburant nouveau pour permettre aux chauffeurs de se familiariser avec lui.

Il faut bien se rappeler que ce qui compte réellement, c'est la stabilité de la vapeur du carburant pour une température donnée. Or, nous avons vu que le carburant éther-alcool pouvait exister à l'état de vapeur à une température extérieure de -12°. Si la température extérieure extérieure de +15° il y a donc une marge de 27°.

D'un autre côté, l'air en Algérie est chargée d'humidité et il est admis maintenant que cette humidité favorise énormément la carburation.

Egalement, si la vaporisation du carburant cause un abaissement de température pouvant exiger une température de l'ordre de 45°, par une température sur là côte le matin de 15°, afin que cette vaporisation reste totale, il faut bien admettre que dès que le moteur est chaud :
  1. L'air avoisinant le moteur est très chaud et c'est réellement cet air réchauffé qui est utilisable pour la carburation. On peut même, par une tuyauterie facile à établir aspirer de l'air réchauffé par le tuyau d'échappement ;
  2. Les parois du carburateur prennent rapidement la température du moteur, elles vaporisent donc les particules liquides qui auraient pu se former à nouveau ;
  3. Dès l'admission de l'air carburé dans le moteur, la vaporisation est certainement complète.

D'après ces diverses considérations, on peut être assuré d'un fonctionnement régulier des moteurs lorsque la température ambiante du matin sera de +15°.

D'ailleurs, les résultats prouvés par la pratique depuis 12 ans avec la Natalite sont bien appuyés par le point de vue théorique. Par conséquent, un carburant à base d'éther et d'alcool doit donner satisfaction en Algérie comme il la donne au Sud-Afrique et en Australie.

Pour conclure, souhaitons que l'Algérie et même toute l'Afrique du Nord acceptent d'employer le carburant éther-alcool ce qui donnerait à ces belles provinces françaises, la possibilité de trouver un nouveau débouché considérable pour l'alcool qui pourrait être produit sur place.

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