samedi 17 mars 2018

1901 : ratio de consommation Essence / Alcool / Gaz

Le mystère de l'Alcool moteur s'éclaircit




Bolide 39 hp - 1900



La situation de la question de l'alcool moteur peut à peu près se résumer comme suit :

Scientifiquement parlant il existe deux partis opposés, également de bonne foi du reste, qu'on pourrait appeler les anti-alcoolistes et les pan-alcoolistes.

Les premiers tiennent, en principe, le raisonnement suivant :

Le moteur à alcool n'est pas autre chose qu'un moteur à essence, son rendement thermique doit donc être sensiblement le même et par suite le rapport entré les consommations respectives d'essence et d'alcool, pour une même puissance, doit être, à peu de chose près, égal à celui des puissances calorifiques des combustibles considérés. Or l'essence dégage environ 11.000 calories au kilogramme, soit 7.700 au; litre, et l'alcool dénaturé à 90° environ, 5.100 calories à l'unité de poids et 4,200 à l'unité de volume considérés.

Un moteur à alcool doit donc consommer, en volume, environ 7.700 / 4.200 = 1.8 fois plus que d'essence, à puissance égale. Or le moteur à essence demande au moins 0 lit. 500 par cheval-heure effectif, en nombre rond, c'est donc 0 lit. 900 d'alcool dénaturé à 90° qu'il faudra pour obtenir le même résultat.

En résumé, comme l'alcool dénaturé coûte généralement un peu plus cher que l'essence, le prix de revient avec le premier combustible sera au moins double du second, c'est-à-dire que le moteur à alcool dénaturé n'est pas possible industriellement.

C'est la conclusion de MM. Ringelmann, Hospitalier, etc.

Halte-là ! répondent les pan-alcoolistes; Arachequesne, Pétréano, etc., votre raisonnement ne tient pas debout, car pratiquement un moteur à alcool, digne de ce nom, ne consomme pas, à puissance égale, 1,8 fois plus d'alcool que d'essence, ainsi que le montrent des résultats récents d'épreuves automobiles en particulier.

Les partis en présence en restent là, bien près de s'entendre du reste sur le terrain de l'alcool carburé.

La situation ne pouvant évidemment s'éterniser, nous avons pensé qu'il était temps de résoudre définitivement une question aussi controversée.

La moisson récente de documents concernant l'alcool moteur rend du reste possible une explication du mystère qui paraît l'entourer.

Reprenons le raisonnement, très logique en principe, des anti-alcoolistes, avec cette différence qu'au lieu de comparer le moteur à alcool à l'un des membres de la grande famille des moteurs à explosion, le moteur à essence, nous le mettrons en parallèle avec un autre, le moteur à gaz.

Nous disons alors :


Un moteur à essence n'est pas autre chose qu'un moteur à gaz, son rendement thermique doit donc être à peu près le même. Or, un moteur à gaz donne, à l'heure actuelle, aisément le cheval heure effectif avec 500 litres de gaz d'éclairage à 5.250 calories environ à pression constante, dans les conditions où nous nous trouvons (c'est le nombre adopté par M. Witz) ou bien 2.000 litres de gaz pauvre à 1.500 calories. Soit, dans un cas comme dans l'autre, 2.625 calories en nombre rond.

L'alcool dénaturé à 90° donnant 4.200 calories dans des conditions correspondantes, par litre il faudra ; 2 625 / 4.200 = 0,625 pour obtenir le cheval-heure effectif.

L'essence demandant environ 0 lit. 500 dans les mêmes conditions le rapport à puissance égale, entre les deux consommations est donc de 0,625 / 0,500 = 1,25 au heu de 1,8

Analysons ce résultat pour voir s'il est plausible.

La consommation admise de 0 lit. 500 d'essence par cheval-heure effectif est normale et couramment obtenue avec les moteurs d'automobiles.

Personnellement nous avons souvent relevé cette consommation sur des Bollée, et d'autres moteurs la donnent.
Voir à ce sujet les résultats suivants (au point de vue essence seulement ) publiés par l'Auto-Vélo, obtenus à l'atelier avec un moteur Delahaye indiquant même sensiblement moins que 0 lit. 500 par cheval-heure effectif.




La consommation de 0 lit. 625, n'a, elle non plus, rien d'extraordinaire puisqu'elle a déjà été réalisée pratiquement dans les célèbres expériences faites en Allemagne, l'année 1897 sur un moteur Koerting de six chevaux.

Ce résultat n'a jamais été constaté ailleurs depuis, nous le reconnaissons, mais il semble aussi digne de foi que les autres, et ce rendement remarquable s'explique très bien par l'adaptation de l'alcool à un excellent moteur à gaz fixe, en utilisant la chaleur d'échappement dans des proportions notables ce qui entraîne de grands avantages sur lesquels nous passerons pour cette fois.

D'ailleurs la maison Koerting n'était-elle pas la seule exposant et vendant un moteur à alcool en 1900 ?

Au reste dans des moteurs d'automobiles, moins favorisés que le moteur fixe en question, des consommations inférieures à 0 lit. 900 ont déjà été observées.

A noter en particulier (au point de vue alcool pur seulement) les résultats obtenus par la section rurale de la Société des Agriculteurs avec un moteur Brillié que nous reproduisons ci-dessous :




Et nous avons soin de ne pas nous servir de données d'épreuves automobiles qui ne peuvent guère servir qu'à titre indicatif, les conditions n'étant pas toujours absolument les mêmes, mais qui nous fourniraient des résultats favorables, surtout en ce qui concerne le rapport entre les consommations respectives alcool et essence.

D'ailleurs n'en retrouve-t-on pas trace dans les expériences de la Société des Agriculteurs ?

0,835 / 0,677 = 1,23

Mais comment expliquer pareille anomalie apparente entre les résultats si divers obtenus en comparant le moteur à alcool d'une part, avec le moteur à essence, d'autre part avec le moteur à gaz ?

L'explication toute simple est la suivante :

Le moteur à essence a dans les conditions actuelles de la pratique, un rendement thermique inférieur au moteur à gaz, ainsi qu'il est admis et cela pour des raisons logiques dont nous parlerons une autre fois.

Le moteur à alcool, pour des raisons très plausibles également, que nous développerons aussi une autre fois, peut au contraire avoir, non pas un rendement extraordinaire comme disent certains pan-alcoolistes, mais égal à celui du moteur a gaz.

En résumé si le moteur à essence peut théoriquement prétendre à une consommation bien inférieure à 0 lit. 500 et 1,8 fois moindre que celle du moteur à alcool (0 lit. 625), il ne semble pas devoir arriver toujours dans les conditions actuelles de la pratique si près de la limite théorique que le moteur à alcool, d'où avantage relatif de ce dernier.

Nous n'hésitons donc pas à conclure comme suit :

  1. Dans les conditions actuelles de la pratique le moteur à essence ne peut guère prétendre descendre normalement au-dessous d'une consommation de 0 lit. 500 par cheval-heure effectif alors que le moteur à alcool peut s'approcher sensiblement de 0 lit. 650.
  2. Le rapport pratique de la consommation respective de ces deux liquides peut être alors évalué à environ 1 lit. 33. C'est-à-dire qu'il faudrait environ un tiers en plus d'alcool que d'essence pour obtenir une même puissance.
  3. Avec un prix d'alcool dénaturé à 90° égal aux trois quarts de celui de l'essence le prix de revient de l'unité de puissance pourrait alors pratiquement être à peu près le même.
  4. Dans le cas ou entrant dans une voie nouvelle on parvenait à faire donner au moteur à essence un rendement égal à celui du moteur à gaz on pourrait prétendre à une consommation d'environ 0 litre 350 par cheval-heure effectif, le rapport consommation alcool-essence, étant alors 1,8.

GUSTAVE CHAUVEAU, Ingénieur E. C. P.

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