dimanche 29 avril 2018

1899 : Polémique combustion Alcool - Essence




Débat intense sur la combustion stœchiométrique de l'Essence et de l'Alcool carburant en 1899.


Aujourd'hui, sans tenir compte des autres qualités de l'Alcool et optimisation du calculateur d'injection , on a démontré que : 
  • La combustion idéale de l'essence nécessite 14.7 grammes d'air pour 1 g de carburant ;
  • La combustion idéale de E85 nécessite  9.76 g d'air pour 1 g de carburant, équivalent à 14.7 g d'air pour 1.5 g de carburant.
Un enrichissement en masse de carburant de 50% est donc nécessaire, en volume 43% mais le constat général est une consommation bien moindre en moyenne (25 à 30%) même si l'amélioration du rendement (fraction du pouvoir calorique transformé en énergie utile) apporté par l'Alcool ne compense jamais la différence de calories entre Essence et Alcool.
L'Essence possède un rendement de 20 à 25%, le rendement de l'Alcool est supérieur de 8% (28 à 38%) avec un moteur optimisé.


L'Alcool Moteur


La profession d'Écrivain, qui toujours nécessite un esprit délié, devient d'un exercice éminemment difficile lorsqu'il s'agit d'un Journal technique à la rédaction duquel la conscience, la méthode, la science même, ne sont pas suffisantes si elles sont réduites à leurs propres forces, sans plus.

La Science, en effet, bien qu'indispensable, peut facilement devenir cette arme à deux tranchants dont je dirai volontiers (pour retourner à M. HOSPITALIER l'esprit facile dont il nous comble) qu'elle peut servir à défendre, et au besoin à combattre... la même thèse. C'est un merveilleux instrument dont l'usage dépend, comme toujours de l'habilité de l'opérateur dont la Main, pour vigoureuse et adroite qu'elle soit, n'en doit pas moins être guidée par le Bon sens, et, c'est au Bon sens seul de nos Lecteurs que nous nous adressons.

Laissons donc de côté le point de vue patriotique qui a bien son prix, cependant, puisqu'il s'agit, au cas particulier, de verser dans les mains de nos agriculteurs les 35 millions de francs (et bientôt davantage) que nous donnons annuellement à la Russie et à l'Amérique en échange de leurs pétroles.

Il me semble qu'un tel espoir, devrait surexciter toutes les intelligences à la recherche des procédés propres à l'utilisation de l'Alcool dans les Moteurs : je me trompe, évidemment, puisqu'un homme aussi autorisé que M. HOSPITALIER a qualifié il y a quinze jours cette opinion de prudhommesque.

C'est avec la même autorité qu'il accable le Chauffeur dans le Vélo, du 22 janvier, en écrivant :
Le prix de l'alcool hors Paris est une fois et demie te prix de l'essence : donc, le prix de revient de la force motrice produite par l'alcool sera une fois et demie celui de la force produite par l'essence.

Voilà un raisonnement méthodique, scientifique, consciencieux (cela va sans dire), et tranchant (1), comme un scalpel, tenu d'une Main cruelle» guidée par un esprit fort animé d'une ardente conviction.
  • Oui, le prix du cheval-heure Alcool serait une fois et demie celui du cheval-heure Essence, si l'essence était complètement brûlée dans les moteurs : tout le monde sait qu'elle ne l'est pas, à beaucoup près. 
  • Et l'Alcool  ?  : L'Alcool sera complètement brûlé.

Et puisque M. Desjaques reproche au Chauffeur de ne servir à ses lecteurs que l'opinion d'un Seul, nous nous donnerons des seconds.

M. ÉMILE SAILLARD, écrivait, il y a deux ans : 
Comme il (l'Alcool) renferme plus du tiers de son poids d'oxygène, il peut trouver plus facilement avec l'air ambiant le comburant qui lui est nécessaire, et, il brûle complètement sans fumée.
J'ajouterai et sans odeur, Ce M. SAILLARD est un homme de Bons sens.

J'aborde maintenant une autre affirmation de M. HOSPITALIER :
le moteur à Alcool est donc quatre fois plus volumineux que le moteur à essence ; il sera trois fois plus lourd.
Toujours le tranchant scalpel, tenu par la Main cruelle. Ici encore nous ne serons pas seul et nous trouverons un second dans la personne de M. Deschamps.

M. DESCHAMPS fait une remarque bien simple, innocente si j'ose dire :
Dans les cylindres du Moteur Phénix, la pression moyenne par centimètre carré est de 4 k. 400, et de 4 kilogrammes, dans le Moteur DE DION, tandis qu'elle ne fut que de 900 grammes dans le moteur qui servit aux expériences de M. PÉTRÉANO.
Ce chiffre est tiré du propre calcul de M. Hospitalier ... La voilà bien l'arme à deux tranchants !...

M. DESCHAMPS est aussi un homme de Bon sens....

J'ajouterai que, lors même que le mélange tonnant carburé à l'essence serait complètement brûlé, il faudrait encore observer que si,

  • d'une part, les puissances calorifiques de l'essence et de l'Alcool sont environ (d'après M. RINGELMANN) dans le rapport de 2 à 1, M. SAILLARD a remarqué,
  • d'autre part, que les quantités d'air nécessaires pour brûler un même poids d'essence et d'Alcool sont également dans le rapport de 2 à 1 :

il en résulte que le même poids d'air sera rendu explosif par un poids donné d'essence ou par un poids double d'Alcool; d'où il me semble évidemment qu'à pression égale, le volume du mélange explosif est à peu de chose près, le même dans les deux cas.

Comme, d'ailleurs, je lis dans l'ouvragé de M. WÏTZ , que M. PÉTRÉANO produit le cheval-heure avec 500 grammes environ d'Alcool, tandis que M. RINGELMANN l'a obtenu, de son côté, avec 330 grammes de gazoline, j'en conclus que point n'est besoin d'un poids d'Alcool double de celui de l'essence, mais seulement dans un rapport égal à 500/330 = 1.50; par conséquent, le poids d'air nécessaire à la combustion complète de ce poids d'Alcool ne sera que les 3/4 de celui que demandent les 330 grammes de gazoline, et j'arrive, tout doucement, à cette conclusion que le Moteur à Alcool, loin d'être plus encombrant que le Moteur à essence, le serait plutôt moins. D'autant plus qu'il faut considérer encore que la combustion de l'essence à peu près réalisée dans les moteurs fixes, tels que ceux qui ont servi aux précédentes expériences, se fait beaucoup moins bien dans les Moteurs de voitures.

Il ressort en effet des expériences du Concours de Fiacres (auxquelles M. HOSPITALIER a pris une part qui a été remarquée) que le cheval-heure du Fiacre PEUGEOT à pétrole (N° 12) est revenu à 40 centimes (à Paris), ce qui correspond, non plus à 330, mais à 460 grammes de gazoline par cheval-heure, dont la combustion a nécessité l'admission dans les cylindres, d'une quantité d'air presque double de celle suffisante pour brûler 500 grammes d'alcool.

Et si, légitimement armé de ces chiffres, j'arrive enfin au calcul des prix de revient, je conclus que, tandis que le prix du cheval-heure essence, dans Paris est de 40 centimes, celui du cheval-heure Alcool sera de 36 centimes (2) ; mais, le cheval heure essence ne coûtera que 30 centimes hors Paris.

Je terminerai en remerciant M. DESJACQUES de la gracieuseté avec laquelle il reconnaît que c'est le Chauffeur qui a attaché ce Grelot : après cela, la constatation, sur laquelle il appuie, que ce n'est pas nous qui le faisons le mieux résonner, n'est pas pour nous déplaire. M. PIERRE GIFFARD a du flair, et sait voir le côté d'où souffle le vent de la réussite : il l'a maintes fois prouvé.



Baron D'ALTEN,
Ingénieur.



(1) M. DESJAQUES me pardonnera la récidive de cet adjectif qu'il a déjà reproché au Chauffeur : mais, je n'en trouve pas d'autre mieux approprié ;
(2) M. ARACHEQUESNE, ingénieur E-C-P, nous apprend, en effet (voir le Vélo du 16 janvier) que l'on peut obtenir l'alcool dénature à 60 centimes le litre par bidon de-25 litres : dès lors, le prix des 500 grammes = 60 x 500 / 834 = 36.

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